If Beale Street could talk, James Baldwin – 1974 – Ed. Penguin Modern Classics, 173 p.
20-16
J’ai découvert James Baldwin par hasard. J’écoutais une série des podcasts de La Compagnie des œuvres (France Culture). Je ne me souviens plus laquelle, néanmoins mon attention a été piquée au vif lorsque le nom de James Baldwin est sorti de la bouche d’un des intervenants. Nommé comme le protégé de Richard Wright (un de mes auteurs favoris), ni une ni deux je me suis renseignée sur cet écrivain mystérieux, un classique de la littérature américaine.
Né en 1924, James Baldwin a vécu dans une Amérique injuste qu’il dénonce, comme l’a fait son mentor Richard Wright avant lui. Ecrivain noir et homosexuel, il révèle et décrit les injustices du racisme et de l’homophobie qu’il observe. Dans If Beale Street could talk, nous accompagnons Tish dans son combat pour la vérité.
Résumé
Tish et Fonny sont amoureux. Ils vivent à Harlem, où sont réunis la majorité des habitants noirs de la ville. Leur bonheur est intense jusqu’au jour où Fonny est accusé de viol par une jeune femme, Porto Ricaine, qu’il n’a jamais vue. Il est victime d’une injustice, d’un complot et accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Ses proches vont tout mettre en œuvre pour le faire sortir de prison.
Une dénonciation des violences raciales
Fonny et Tish sont jeunes et se connaissent depuis toujours. Lorsque l’idée de devenir l’un pour l’autre un partenaire leur vient à l’esprit, c’est une évidence. Le bonheur bat son plein, et Fonny demande Tish en mariage. Tout ceci, nous l’apprenons au cours de l’histoire. Car en réalité, nous sommes bien rapidement plongés dans le vif du sujet.
Tish va rendre visite à Fonny en prison car elle a une grande annonce à lui faire. Elle est enceinte. De lui, bien sûr, il n’y a que lui dans sa vie. Ce cadeau de la vie va devenir la plus grande force de ce couple, frappé par les injustices de la vie. Fonny, enfermé en prison pour un crime qu’il n’a pas commis, va s’accrocher à la vie de cet embryon qui deviendra, dans quelques mois, son enfant.
Les raisons pour lesquelles Fonny est accusé sont floues. Il ne connaît pas Victoria, la victime, et ne l’a jamais vue. Tout ce que celle-ci sait, c’est que celui qui l’a violentée était noir. Face à elle, au commissariat, ceux qui se présentent à elle sont d’origines diverses. Mais un seul est noir, Fonny. Sous pression de la police, elle annonce que c’est lui, le violeur.
Pourquoi la police s’acharne-t-elle sur lui en particulier ? Tish nous raconte qu’un jour elle s’est faite agressée chez un maraîcher par un junkie. Fou de rage, incapable de se maîtriser, Fonny le frappe. La police est là, s’approche de la foule pour découvrir cet homme noir agressif vis-à-vis d’un autre homme.
Enfin nous la découvrons cette cruauté. Les yeux du policier qui scanne l’individu et qui réfléchit à sa vengeance. Car en effet une vendeuse a pris le parti du jeune couple, et a insulté le policier pour les défendre. Obligé de laisser tomber, il les laisse repartir. Néanmoins il n’oublie pas. Sa vengeance est sans appel, sans mot, inhumaine.
Sharon, une mère prête à tout
La famille de Tish est époustouflante. Son père, sa mère et sa sœur se soudent pour mettre tout en œuvre pour l’aider, démunie face au destin cauchemardesque qui semble s’ouvrir devant ses yeux. Mais Sharon, cette mère, femme d’un courage épatant, protège sa fille d’un amour inconditionnel. Tout d’abord, lorsque sa jeune fille de dix-neuf ans lui annonce qu’elle est enceinte (alors que le père du bébé se trouve en prison), elle la protège, devient son mentor, annonce la nouvelle aux membres de la famille, et lui donne le courage nécessaire pour conserver la force dont elle doit faire preuve pour protéger Fonny.
Sharon nous secouera également lorsqu’elle décidera de partir à Porto Rico pour retrouver la victime et essayer de lui faire changer sa version des faits. Seule, une noire dans une ville inconnue où le langage parlé n’est pas le sien, elle réunira tout son courage pour essayer de faire changer le destin de son fils par alliance.
Mon avis sur l’œuvre
Cette histoire réunit trois personnages très présents. Tish, Fonny et Sharon. Sans Sharon, Tish aurait rapidement perdu la foi. Mais cette enfant est protégée par sa mère. Fonny est aussi protégé par elle. Alors que sa famille n’épuise pas vraiment d’énergie pour le sauver, à moins peut-être son père, la famille par alliance de Fonny le considère comme un des leurs et n’a pas idée de le laisser tomber.
Il faut dire que la famille de Fonny est bien étrange. Sa mère, une femme très croyante, a toujours eu un problème avec son fils. Nous sentons que l’amour qu’elle lui porte est mitigé. A côté, ses sœurs sont des femmes tout aussi froides, peu intéressées par le destin de leur frère. Ces femmes continuent de vivre et d’apprécier la vie qui leur est offerte alors qu’au fond d’une cellule croupit un des hommes de la famille.
Il y a également l’exemple d’amour maternel de Sharon vis-à-vis de Tish qui est immensément émouvant. En effet, dans la volonté de protéger son enfant, Sharon parcourt tous les obstacles, surmonte toutes ses peurs sans jamais se retourner. Un amour unique, puissant, duquel nous savons que rien ne pourra le détruire.
Je voudrais dire que Tish est une enfant, mais les obstacles de la vie qu’elle surmonte font d’elle une vraie femme. De caractère obstiné, elle ne lâche rien. La peur, la solitude, la colère et la haine l’accompagnent chaque jour.
James Baldwin est un écrivain incroyable. A travers cette œuvre, il nous montre les travers de son époque. Une justice raciste, politisée, manipulable. Une population insécurisée dans un univers où ils ne peuvent compter sur personne. Cette histoire est difficile car elle est le reflet d’une époque qui nous semble très lointaine et pourtant parfois d’actualité.
Les souffrances de ces minorités, les injustices qu’elles ont subies, sont révoltantes. James Baldwin en faisait partie et a eu le courage de nous transmettre via ses œuvres les témoignages d’une époque à ne jamais oublier et à ne jamais reproduire.
Conclusion
Je suis fan de Richard Wright, et c’est avec joie que je lis les œuvres de James Baldwin comme la suite des témoignages des minorités noires aux Etats-Unis du XXe siècle. Leurs œuvres sont les reflets de leurs observations, de leurs souffrances. Il ne faut jamais oublier. Ne jamais reproduire.