Nickel Boys, Colson Whitehead – 2020 – Ed. Albin Michel, 255 p.
22-03
Colson Whitehead fait parler de lui depuis plusieurs années. Ecrivain américain, il est diplômé de la prestigieuse université d’Harvard. Après avoir reçu le Prix Pullitzer de la fiction en 2017 pour son roman Underground Railroad, il refait surface en 2020 avec Nickel Boys qui remporte également ce prix. Deux Pullitzer en trois ans, de quoi intriguer ceux qui n’ont jamais lu cet écrivain (ce fut mon cas !).
Dans Nickel Boys, Colson Whitehead s’inspire d’une histoire vraie. La Dozier School était un centre correctionnel pour jeunes mineurs en Floride. Des jeunes noirs y ont été persécutés. En 2013, les dessous de cette terrible école de correction sont révélés au grand jour. L’écrivain imagine la Nickel Academy dans laquelle le jeune Elwood Curtis est injustement interné. Une jeunesse noire, sans défense, qui subit les plus atroces souffrances.
Résumé
Alors qu’Elwood Curtis est en route pour intégrer l’université, il est faussement accusé d’un vol de voiture. La sentence tombe : il doit aller en correctionnel à la Nickel Academy. Là-bas, il sera mis sur le droit chemin et si tout se passe bien, s’il gravit les échelons, il pourra peut-être sortir plus tôt. Ses espoirs sont déchus, mais son envie de se sortir de cet endroit de la terreur est plus forte que tout. Il se donne pour mission de s’en sortir le plus rapidement possible pour pouvoir rejoindre l’université et accomplir son destin.
La gestion par la terreur
A la Nickel Academy sont séparés les enfants noirs des enfants blancs. Elle est sans aucun doute une école de la terreur. L’obéissance par les enfants n’est pas la preuve du respect mais surtout de la peur des enfants noirs de se retrouver à la Maison-Blanche où se passe les règlements de comptes entre les tyrans de gardes et les enfants qui avaient outrepassé les règles imposées.
La Maison-Blanche est un endroit froid dans lequel les enfants sont torturés. Fouettés jusqu’à l’évanouissement, le bruit du claquement contre la peau est entendu par ceux qui attendent leur tour. Priant pour ne pas perdre le contrôle, pour ne pas s’évanouir, pour ne pas crier, les enfants savent à quoi s’attendre. Par la suite, chaque surveillant les menace de passer à la Maison-Blanche si leur comportement considéré comme répréhensible ne cesse pas, et que cette fois-ci ils ne seront pas aussi gentils que la dernière fois.
Une inconditionnelle fraternité
Ce qui lie les enfants de cette école, comme dans beaucoup de situation d’injustice raciale, est la fraternité. L’appartenance qu’ont ces enfants au même groupe, celui des noirs dans un état ségrégationniste, les lie dans le désespoir et la rage qui les nourrit continuellement.
Grâce à cette force, Turner va faire confiance à Elwood. Il va le considérer comme un frère, va lui permettre d’obtenir un peu de liberté dans cette « prison » correctionnelle. Ils vont tout partager, même leurs plans pour s’échapper. Lorsqu’Elwood décide de mettre en œuvre un plan pour dénoncer auprès d’un journaliste les violences subies au sein de l’école, que cette décision va le mettre en danger de mort, c’est Turner qui sacrifiera tout pour le sauver : sa position de force et de confiance à Nickel Academy, ses plans parfaitement étudiés pour fuir. Tout pour sauver son frère.
Mon avis sur l’œuvre
Colson Whitehead, comme nombre avant lui, dénonce les violences subies par les populations noires dans son pays. En s’inspirant d’une histoire vraie suffisamment récente pour qu’on ne découvre la vérité sur les corps enterrés qu’en 2013, il nous touche sur des secrets étouffés dont la violence nous fait tourner de l’oeil. Et pourtant, les violences racistes sont bien évidemment toujours d’actualité, et les Etats-Unis est un pays qui est connu pour ses injustices. La description de cette école et des pauvres enfants qui y sont internés glace le sang.
L’écrivain nous touche puisqu’à travers la terreur et la violence il dépeint une des plus belles marques d’amitié. Celle d’Elwood, un jeune intello, et de Turner, un jeune délinquant perdu que pourtant tout oppose mais dont les liens seront plus forts que tout. Le sacrifice réalisé par Turner est celui d’un grand frère. Inconditionnel, ce dévouement, cette loyauté sont ce qui rend ce roman fascinant et puissant.
Dans un monde où aujourd’hui nous crions à l’égalité et à la paix, nous constatons toujours que les injustices perdurent et que le chemin est long pour les régler. A la Dozier School (c’est-à-dire l’école qui a inspiré ce roman) ont été déterrés 55 tombes d’enfants morts. Des morts qui ont été annoncées aux familles des victimes pour des raisons fausses, alors qu’en réalité ces enfants sans défense ont succombé aux blessures imposées par les sévices physiques des gardes.
Conclusion
En s’inspirant d’une histoire vraie, Colson Whitehead nous emmène dans l’histoire émouvante d’un jeune noir, Elwood, dont le destin est promis à de belles réussites jusqu’au jour où il est injustement accusé. Interné dans le centre correctionnel Nickel Academy, il y subira les atroces violences de gardes racistes. Une terrible mise en exergue de la réalité qui nous rappelle que le chemin vers l’égalité est encore très long.