Dans les geôles de Sibérie, Yoann Barbereau – 2020 – Ed. Stock, 323 p.
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20-43
Voici un livre qui a attendu plusieurs mois avant de sortir de ma PAL. Je ne souhaitais pas le dévorer trop rapidement, j’aimais le savoir là, dans les livres qui m’attendent. Alors que j’avais décidé de me mettre dans le nouveau roman de Sébastien Spitzer (La Fièvre), j’ai cédé à Yoann Barbereau. Comme attendu, aucun regret !
Yoann Barbereau raconte avec Dans les geôles de Sibérie son incroyable, terrible et réelle expérience en Russie. Incarcéré pour pédophilie après constitution d’un kompromat par le FSB, l’écrivain s’est retrouvé injustement emprisonné et violenté sans obtenir d’aide (pourtant légitime) du gouvernement français. Lorsqu’il comprend qu’il ne peut compter (principalement) que sur lui-même, il décide de s’enfuir.
Résumé
Yoann Barbereau est employé du ministère des Affaires Etrangères et dirige l’Alliance Française à Irkoutsk en Sibérie. Un jour de février 2011, il est emmené et cagoulé de force et par des russes. Ici débute un interminable interrogatoire, dialogue de sourds entre les russes qui ont clairement la volonté de l’incarcérer, et ce dernier, déboussolé, qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Lorsqu’il entend les raisons de sa présence ici, il tombe des nues : il est accusé de pédophilie.
Le kompromat du FSB
Yoann Barbereau est victime d’un kompromat. Ce procédé, utilisé par le FSB et anciennement inventé par le KGB, consiste à créer des dossiers pour nuire à un ennemi. Lorsque les « preuves » lui sont montrées, il est sous le choc. Des preuves inventées de toutes pièces. Des photos de sa fille et de sa femmes nues, qu’il aurait publiées sur un site pornographique.
Face à la violence des accusations et des russes à son égard, Yoann Barbereau doit trouver un moyen de se les mettre dans la poche, d’apaiser les tensions, de ne pas dire quelque chose qui pourrait se retourner contre lui. Margot, sa femme, l’aurait dénoncé. C’est impossible.
Après avoir été violenté, il finit par sortir de cette garde à vue pour être incarcéré. Perdu, terrifié, il entend au loin la voix de sa fille qui le cherche dans le commissariat. Sans pouvoir la voir, il part pour subir une quarantaine dans une cellule aux ressources les plus rudimentaires.
Savoir déterminer qui sont ses alliés
Enfermé entre quatre murs dans une cellule en quarantaine. Ici c’est drastique, les règles sont rapidement comprises, les camarades de cellule deviennent rapidement sa famille. Les cigarettes sont la seule source de bonheur qu’apporte cet enfermement., peut-être également la camaraderie. Une fois la quarantaine terminée, il est mené dans sa vraie cellule, la « 645 ».
Deux avocats se pointent pour aider Yoann. Le premier, c’est l’avocat de sa femme. Décidé à l’aider et à lui expliquer que tout ceci est un complot, que sa femme a été menacée pour signer des aveux, il lui demande d’accepter son aide. Il a d’ailleurs déjà commencé à agir. La cellule « 645 » est une des plus supportables de la prison. Les prisonniers y sont moins nombreux que dans les autres cellules et ils disposent de divers biens qui sont partagés entre eux (dont de la nourriture et des cigarettes). S’il s’y trouve c’est grâce à l’argent payé par sa femme et lui.
Le second, c’est l’avocat de sa famille. Inquiets de la situation de leur fils, les parents de Yoann lui font passer le message : ils n’ont pas confiance en Margot, il ne faut pas accepter l’aide de son avocat. Sa famille est prête à tout pour le protéger, il doit suivre cette direction.
Voici comment Yoann, enfermé dans une cellule et incapable d’échanger avec sa femme sur la situation, se retrouve à devoir choisir ceux en qui il décide d’accorder sa confiance.
L’abandon du gouvernement français
On ne peut pas dire que le gouvernement français a été très présent dans cette histoire. Dans un contexte politiquement tendu entre la France et la Russie, il est difficile pour le gouvernement de prendre parti.
Yoann a désormais quitté la prison, et se retrouve assigné à résidence, un bracelet électronique accroché à la cheville. Lorsqu’il comprend que son pays ne lui viendra finalement pas en aide, que cette assistance est constamment repoussée, il décide de planifier sa fuite.
Après avoir sympathisé avec ses gardes, récupéré un moyen de communication avec l’extérieur, il va chercher à s’enfuir avec l’aide de ses alliés. Deux projets s’offrent à lui. Soit il rejoint la frontière par les montagnes, soit il parcourt la Russie. Débute ainsi une incroyable course-poursuite pour la liberté.
Mon avis sur l’œuvre
Le roman de Yoann Barbereau dispose deux atouts. Tout d’abord, son histoire est vraie. Romancée, certes, mais vraie. Il est difficile de savoir où l’histoire vraie s’arrête et où l’imaginaire de l’écrivain prend le pas. Il joue avec le lecteur, il nous emmène dans son roman sans nous permettre de savoir le vrai du faux.
Ensuite, le roman est incroyablement bien écrit. Il constitue une œuvre merveilleusement littéraire, prenante, qui nous transporte au fin fond du froid gelé de la Sibérie. Le destin et le courage de l’écrivain sont impressionnants. Sans assistance de son pays, il se retrouve dans les grandes noirceurs de la Russie et de ses complots, victime d’accusations terriblement fausses.
L’écrivain a un pouvoir d’écriture qui est incroyable. Le rythme de l’histoire est saccadé et l’écrivain use de l’humour dans des situations désespérément sans issues. Pas une seconde nous ne sommes perdus ni ennuyés par ce texte qui magiquement nous emporte.
Nous suivons la course haletante et étonnante d’un des nôtres perdus dans la solitude de n’être pas aidés, comme oublié. Dans quelles ruses le désespoir nous mène-t-il pour contourner les règles et la technologie, et nous permettre de fuir un pays, un gouvernement qui veut notre tête. Un livre en tout point passionnant.
Conclusion
J’ai indéniablement adoré le roman de Yoann Barbereau. Même si les faits n’avaient pas été constitutifs d’une histoire vraie, j’aurais tout autant adoré. Cette pièce de littérature est belle et passionnante. Elle nous emporte, nous fait voyager et devenir l’instant de trois cents pages un fugitif. Et c’est fou comme c’est beau.