Désintégration, Emmanuelle Richard – 2018 – Ed. Points, 214 p.
Le Prix du Meilleur Roman des Lecteurs Points 2020 revient avec une bombe. Désintégration, c’est le quatrième roman d’Emmanuelle Richard. Cette écrivaine française, pleine de talent, dispose d’une plume qui nous éclate au visage. Une vraie bombe, vous dis-je. Cet article m’est douloureux à rédiger. Il sera difficile de le faire à la hauteur du bouleversement que m’a procurée cette histoire.
Résumé
La vie. Voici ce que nous développe Désintégration. Mais pas n’importe quelle vie. La vie d’une jeune femme, blanche, qui évolue dans un milieu où règne la précarité. La vie d’une jeune femme dépressive et sans envie face à une vie pleine d’injustice. La vie dans laquelle la volonté et le travail ne suffisent pas toujours à subvenir à ses besoins. Cette vie où la pauvreté côtoie chaque jour la richesse, la grâce, l’aisance des milieux aisée.
Mon avis sur l’œuvre
La quatrième de couverture de Désintégration m’a sautée aux yeux.
“Alors la colère, jusque-là carburant, finit par éclore en fleur de haine carnivore, et la haine des pauvres se retourner en haine des riches”.
Le livre est principalement tourné sur une description du « pauvre » comparé au « riche ». Les humiliations, l’envie d’être cet « Autre » qui a tout, entraîne un sentiment de colère qui se transforme en haine. Celle-ci évolue en racisme, le racisme du pauvre à l’encontre du riche. La pauvreté impacte radicalement la vie sociale de celui qui la subit. Prenons un exemple développé dans ce roman : le mal-être de ne pas avoir suffisamment pour se vêtir par exemple. L’écrivaine souligne dans son livre que le prix d’une tenue correcte pour sortit est trop élevé, et qu’elle n’a donc aucun vêtement adéquat pour sortir. Les moyens manquants la mettent dans des situations plus que délicates. Ne pas avoir assez pour s’introduire dans une vie sociale. Voici un des thèmes intenses qui sont traités. L’impossibilité (et non le manque de volonté) de trouver des vêtements adéquats, d’apporter un cadeau pour remercier des hôtes de nous avoir invités… La pauvreté détruit tout rêve d’une simple vie sociale, d’une intégration dans la société.
L’écrivaine développe également la colocation du personnage principal avec des “artistes”. Des personnes aisées, dans le monde de la fête et du superflus, qui lui rappellent chaque jour le fossé qui existe entre eux. Les problèmes d’argent de ces personnages sont réglés par des parents riches. Emmanuelle ne dispose pas de ce luxe. L’égalité des chances, cette théorie qui fait rêver mais qui n’existe pas vraiment. L’argent, tout tourne autour de l’argent. Quand on en a, on serait tenté de dire que, non, tout ne tourne pas autour de l’argent (même si, hein…). Mais quand on n’en a pas, tout tourne autour du moyen de s’en procurer le plus rapidement possible. Survenir aux besoins primaires. Après une, deux semaines, le salaire versé est déjà liquidé et il faut faire preuve d’imagination pour retarder les échéances des paiements à venir. La vie devient une boule d’incertitude, d’inquiétude, d’insécurité. La lassitude, face à ces situations, peut entraîner de nombreuses conséquences. Nous ressentons clairement l’état dépressif dans lequel est plongé le personnage. Une boucle infernale qui l’empêche de s’en sortir.
Le sentiment de ne pas s’insérer. Le sentiment d’être différents, d’être “moins” que les autres, que ceux qui ont l’accès à une vie sociale, qui ont les moyens nécessaires pour subvenir à leurs besoins. C’est personnes qui disposent du « tout », lorsque certain ne dispose que de l’« insuffisant ». L’enfermement, l’épuisement de la vie. Ces notions développées nous font frémir. Comment le gouvernement actuel peut-il laisser des personnes de notre pays, notre communauté, dans une telle précarité ? Ces personnes qui se lèvent chaque matin, et qui ne peuvent voir plus loin qu’au lendemain tant l’avenir leur est incertain. Ceci me brûle, me touche et m’émeut. Cette disparition (quasi- ?) complète du bonheur. La jouissance de se faire plaisir, de prendre du temps pour soi… Tout ceci n’est qu’un doux rêve qui n’est pas accessible.
Ce livre m’a beaucoup secouée. Le racisme des pauvres à l’encontre des riches qui y est expliqué est très puissant. Dans une économie où la tendance est au mérite, plus qu’à la solidarité, la pauvreté se fait ressentir et la colère, la haine des personnes qui la subissent explose. Les politiques qui ferment les yeux sur des situations qui sont impensables, qui poussent les gens dans des situations indignes, est révoltant. La colère doit être exprimée, et Emmanuelle Richard le fait avec merveille. La puissance de son écriture, qui est en tout point magique, retranscrit cette colère et cette haine enfouie. Une explosion de sentiments se développe devant nos yeux et cette injustice nous donne la nausée.
Je le bizutais de moi et des miens – tous ceux qui font leurs courses alimentaires au centime près, yeux rivés à la calculette, à faire comme ils peuvent chaque jour que Dieu fait, fringues moches, petit quotidien pas bien brillant aux moyens étriqués, pas chic et pas éclatant, tous habitués à ronger la poussière en attendant mieux un jour ou jamais.
En me tenant là, je vengais ma race.
Je l’écrasais avec mon inélégance.
Je lui apprenais ce que pouvait lui en coûter le souhait de se dépayser avec les autres sans assumer derrière.
Je lui collais la gueule par terre.
J’étais furieuse envers sa couardise qui le faisait rejeter ce début d’intimité que nous aviosn partagé.
Conclusion
Les lecteurs se reconnaitront plus ou moins dans cet ouvrage. Mais dans le climat actuel, il est nécessaire d’essayer de comprendre les sentiments des gens et de faire preuve d’empathie. Le racisme riches/pauvres se développe de plus en plus et doit être arrêté avant de créer des conflits profonds au sein de notre société. Emmanuelle Richard a exprimé avec ses mots la haine des riches. Elle a développé la précarité, l’injustice, le délaissement. Elle détrône le précédent roman du PMR 2020 (Manuel de survie à l’usage des jeunes fille) qui figurait, pour moi, en première place. Bravo, Emmanuelle Richard.