Enfant de salaud, Sorj Chalandon – 2021 – Ed. Grasset, 330 p.
21-20
Cette fois-ci, j’ai entamé le nouveau roman de Sorj Chalandon en connaissant le contexte ! J’ai lu il y a quelques années Profession du père, et j’étais passée totalement à côté de l’histoire (ah naïveté quand tu nous tiens). Cette année, en lisant son nouveau roman, je savais à quoi m’attendre.
Sorj Chalandon est journaliste au Canard enchaîné et écrivain. Depuis plusieurs années il écrit sur son père, un homme violent et mythomane. Il a grandi avec cet homme, a essayé de se former à ses côtés, lui si lunatique et froid. Alors qu’il tombe malade, le père de Sorj Chalandon se sent prêt à lui faire des aveux. Une opportunité que l’écrivain saisira mais qui sera une nouvelle source de déception.
Résumé
Le père de Sorj Chalandon lui a menti toute sa vie. Un jour, son grand-père lui dit qu’il a vu son fils avec la tenue allemande, et que Sorj est un « enfant de salaud ». Une vérité crachée au visage d’un enfant qui n’arrive pas à connaître son père. Cette phrase lui restera en tête, jusqu’au jour où son père tombe malade et semble prêt à lui faire des aveux…
Des aveux mensongers
Lorsque son père l’appelle et lui laisse un message, Sorj comprend que son père est prêt à avouer sa vérité. Il se précipite pour le rejoindre et pour l’écouter s’ouvrir à lui, lui qui n’a fait que mentir. Ils se retrouvent tous les deux dans un café, pour une confession intime et honteuse (honteuse pour Sorj, malheureusement pas pour son père qui n’a aucun regret).
Il le confirme, il a été habillé en soldat. Oui, il a rejoint l’uniforme pétainiste, membre de la division Charlemagne. Non il n’a pas touché aux français et les juifs n’étaient pas leur affaire. Ils voulaient redonner sa grandeur à la France. Oui, il a combattu et a vu mourir ses amis en Ukraine et en Russie.
Ces aveux terribles, ceux du père collabo, sont les plus honnêtes qu’il aura obtenu de lui. Pourtant, après quelques recherches, Sorj va comprendre que son père n’était pas parti combattre, et qu’à cette époque il était emprisonné. Il n’a donc pas vu ses amis mourir, il n’a pas combattu pour ses idées (aussi injustifiables soient-elles). Non, son père lui a encore menti.
Le procès de Klaus Barbie
Cette (nouvelle) trahison est l’élément déclencheur d’un épuisement moral auquel est confronté Sorj Chalandon depuis toujours. Car ce qu’il cherchait de son paternel, c’était découvrir qui il était. Alors que le procès de Klaus Barbie commence en 1987, il décide de percer le mystère de l’histoire de son père une bonne fois pour toute.
Alors qu’il assiste au procès avec son père (à qui il a réussi à obtenir un accès), Sorj fait en parallèle des recherches à l’aide de son ami historien Alain. Avec son aide, ils ont eu accès aux archives qui réunissaient tout le parcours de son père pendant la guerre. Un parcours sans queue ni tête, qui va dans tous les sens (un jour à prendre le parti allemand, un autre à défendre la résistance française…). La confrontation avec son père va être terrible.
Mon avis sur l’œuvre
Sorj Chalandon a difficilement grandi avec un père tyrannique et complètement mythomane. Dans cette histoire, nous suivons le parcours de cet enfant qui découvre le vrai visage de son père. Cette facette de lui est totalement brouillonne, les réponses à ses questions sont incompréhensibles. Ce qu’il y découvre, c’est un homme lâche, incompétent, qui suit la vague des « gagnants ».
Le roman est passionnant pour plusieurs raisons. Il traite de deux histoires liées : le procès de Klaus Barbie, qui a été un responsable nazi jugé en France en 1987 ; et l’histoire de ce fils de mythomane qui cherche ses racines. Et alors que ce dernier pense toucher la vérité sur son père, il se retrouve noyé dans des fausses informations.
Le père de l’écrivain a été un mélange de plusieurs personnes à la fois : un SS, un prisonnier, un résistant, un déserteur. Mais toutes ces casquettes endossées ne l’ont été que dans un unique but : sauver sa peau. Le salaud, c’est cet homme, tout le contraire d’un héros, lâche, sans conviction, sans bataille et qui a laissé son fils grandir face à d’innombrables interrogations.
J’ai adoré ce roman. Sorj Chalandon est un homme victime des agissements et mensonges de son père, et il sait faire ressentir à son lecteur le désespoir dans lequel cette situation l’a malmené toute sa vie (et qui continue de le hanter). Cette histoire est très touchante car on y sent l’affection d’un fils pour son père qui espère que, parce que la vérité est dévoilée, tout va changer. Que les mensonges vont cesser. On y sent l’inquiétude de ce fils qui ne souhaite qu’une chose : que la situation avec son père évolue et s’arrange.
Conclusion
Alors que le procès de Klaus Barbie débute en 1987, Sorj Chalandon débute le procès de son père. Un procès fermé, où les seuls acteurs ne sont qu’eux réunis dans un bar. La vérité éclate, les mensonges se dissipent. Un roman passionnant dans lequel Sorj Chalandon continue de nous parler de la brute d’homme qu’a été son père, du salaud qui lui a menti toute sa vie.