Fille, Camille Laurens – 2020 – Ed. Gallimard 225 p.
⭐⭐⭐⭐
Note : 4 sur 5.
20-36
La rentrée littéraire se poursuit, et j’ai décidé d’entamer un livre dont la sortie a été retardée suite à la crise sanitaire et qui constitue à mon avis une œuvre dont il faut parler. Le sujet abordé représente aujourd’hui un thème vu et revu sous tous ses angles. Néanmoins, Camille Laurens nous offre ici une réflexion complète qui donne à réfléchir.
La Fille. Qu’est-ce qu’être une Fille ? Dans Fille, nous suivons sur deux générations le parcours mouvementé, discriminé et complexe de la Fille, de son évolution dans un monde plus ou moins machiste et de l’impact des mots et comportements sur son développement.
Résumé
Laurence, la narratrice, nait dans les années 60. La réaction de son père à cet évènement : de la déception. Déçu car il souhaitait avoir un garçon, pas une fille. Une fille ça ne sert à rien, s’il avait su il ne se serait même pas déplacé pour la maternité. Et quand on lui demande s’il a des enfants, il répond « non, j’ai deux filles ». Ici commence le destin d’un nourrisson qui n’avait rien demandé. Quel impact les mœurs de l’époque pourront-elles avoir sur le développement de cette jeune fille ? Quelle en sera l’influence sur les générations futures ?
Naissance de celle qui n’était pas un garçon
Le père de Laurence avait beaucoup d’espoir sur la grossesse de sa femme. Son premier enfant était une Fille, mais il le sentait bien, cette seconde grossesse se solderait par la naissance d’un garçon. C’était sans compter les moqueries de la nature qui décida que la famille accueillerait sa deuxième fille. Laurence, c’est proche de Laurent, c’est le féminin d’un nom masculin.
Il est difficile pour une jeune fille de grandir avec les remarques incessantes d’un père insatisfait. Un sexe ne se choisit pas. En revanche, nous ressentons rapidement le fait d’être le sexe « faible ». Mais pourquoi faible ? Qui donc a décidé que le féminin serait le sexe faible ?
Laurence va rapidement se retrouver dans cette situation d’infériorité face au sexe masculin. Outre les remarques de son père, elle va subir des agressions sexuelles provenant de son oncle. Alors qu’elle n’est encore qu’une petite fille face aux pensées de ce malade qui nous glacent le sang, nous sommes ahuris de constater la réaction de la famille. Le silence volontaire pour taire et étouffer l’affaire, face au constat qu’une fille/femme est souvent soumise à cette dure situation, rendant l’acte presque « normal ».
« Subis et tais-toi ma fille » semble dire sa mère. Car une fille c’est ça, supporter les discriminations et se taire.
Une fille sur la troisième génération
Laurence grandit et gagne l’âge d’être elle aussi maman. Un premier enfant, un garçon, nait. Celui dont son père a tant rêvé. Et puis un drame, une disparition, un garçon qui finalement ne grandira pas. Nait alors une fille.
Une enfant turbulente, difficile, qui refuse d’être catégorisée comme une fille. Elle ne veut pas porter de robe, elle déteste le maquillage et les conversations sur les garçons. Elle joue avec les garçons, n’invite que des copains à la maison. Une fille d’apparence, garçon à l’intérieur, qui refuse d’être soit l’un soit l’autre.
La fille de Laurence va être pleine de surprise. Féministe, rebelle, forte de caractère, elle donnera du fil à retordre à ses parents. Mais elle leur apprendra également la Tolérance avec un grand « T ». Le regard des autres posé sur son enfant va placer Laurence dans des situations délicates, des états d’embarras. Elle va parfois devoir s’excuser de l’incroyable indépendance et force de vie de sa fille qui assume sans se poser de questions qui elle est vraiment.
Mon avis sur l’œuvre
Je rejoins partiellement l’avis de plusieurs bookstagrameurs/bookstagrameuses que j’ai lus. En effet, le thème de la fille, de la place de la femme dans la société, des discriminations homme/femme est très souvent abordé, surtout récemment. Parfois on a envie de dire stop.
NEANMOINS cette vérité ne peut pas cacher le fait que ce livre est un indispensable (à mon goût). Parfois difficile à lire (les scènes de viol sur la jeune Laurence m’ont mise très mal à l’aise, pour ne pas parler de dégoût), la recherche et la pertinence des propos de l’écrivaine sont très intéressants.
Car la difficulté de cette histoire, c’est de voir la différence entre une fille et un garçon, tant physique que mental. Le garçon a un sexe apparent, comme vaniteux, lorsque le sexe d’une fille est caché, comme honteux d’exister. La fille vit avec une peur quotidienne, ce qu’un garçon ne vit pas. Du moins, pas de la même façon. Une distinction qui est faite par les adultes, par des mots et des attitudes, et dès le plus jeune âge de l’enfant.
Le garçon a peur d’avoir honte, de se retrouver dans une situation où il devra se battre. La fille a peur de se faire agresser. Ici apparaît une distinction très intéressante : la fille a peur pour sa vie, quand un garçon a peur pour sa dignité (globalement, bien sûr, on ne cherche pas le cas par cas).
Ce thème m’a touchée car, en plus de me sensibiliser sur des thèmes importants de société, je me suis retrouvée dans la petite Laurence. Les écarts de pensée entre les générations, l’importance du sexe masculin par rapport au sexe féminin, toutes les discriminations et souffrances qui en découlent… Toutes ces thématiques me sont familières à moi, qui fus une Fille et suis désormais une Femme.
Conclusion
Avec Camille Laurens j’ai ri, j’ai pleuré, j’ai eu peur, j’ai été indignée, j’ai été prise d’effroi. Très intéressant à la lecture pour nous, le groupe du sexe féminin, je pense qu’il est très important de le faire lire à un très large lectorat. Sensibilisant, l’écrivaine réalise un pari assez délicat. Un livre très bien écrit, l’écrivaine nous plonge sans difficulté dans une vague d’émotions et prend la parole d’une grande majorité des femmes de la planète.
« Fille » de Camille Laurens n’est pas paru en mars 2020, à cause du confinement. C’est donc bien un livre de la rentrée – et excellent, je suis d’accord
Oui tout à fait, il est sorti en août j’ai oublié de faire la modification et rectifie immédiatement ! Merci pour le rappel et pour votre retour.