La Porte des Enfers, Laurent Gaudé – 2008 – Ed. Babel, 267 p.
20-22
Laurent Gaudé est un écrivain français. J’avais adoré La Mort du roi Tsongor. Ecrivant en se basant sur des mythes, il décrit des personnages fictifs et puissants, appuyant sur certaines morales. Il a été primé notamment par le Prix Goncourt des lycéens avec La Mort du roi Tsongor et le Prix Goncourt avec Le Soleil des Scorta.
Avec La Porte des Enfers, Laurent Gaudé a écrit ce livre en mémoire de ses morts, ceux qui en partant ont emmené une partie de lui.
Résumé
Matteo est en retard pour emmener son fils à l’école. Pressé, en colère, il se presse, se fâche contre son fils. Quand soudain, ils arrivent sur une place. Des coups de feu, Matteo à terre enveloppe son fils pour le protéger. Ce sera trop tard, l’assaillant a tué le petit Filippo. Le monde s’écroule autour de Matteo et de sa femme, Giuliana. Ainsi débute une littérale descente aux Enfers.
Le dilemme de Giuliana
Giuliana arrive sur la scène du drame. Lorsqu’elle s’approche de son fils et se met à hurler, Matteo comprend que Filippo est mort. Le monde de ce couple s’effondre, Giuliana ne s’en remettra pas. La colère qui l’habite est sans nom.
Pour calmer sa douleur, elle envoie son mari dans un dilemme bien complexe : soit il venge son fils en assassinant celui qui l’a tué, soit il lui ramène Filippo dans le monde des vivants. Dans l’impossibilité de ramener leur progéniture, Matteo promet à Giuliana de le venger.
Après avoir retrouvé la trace de celui qui a détruit leur vie, alors qu’il se retrouve face à lui, l’arme pointée sur l’objet de leur souffrance, il se dégonfle. Il se dégonfle, parce que pouvoir tuer un humain n’est pas inné.
Giuliana ne lui pardonnera pas, elle l’insultera de lâche, le quittera et l’abandonnera seul face à lui-même.
La découverte de la Porte des Enfers
À la suite d’une nuit agitée d’errance dans les rues, Matteo va faire une rencontre qui changera à jamais sa vie. Une prostituée transsexuelle, un prêtre et un gérant de bar, et le Professore. Dans le hasard d’une nuit de travail, il sera mené dans ce bar où il va rencontrer ces personnages qui vont lui donner de l’espoir.
La Porte des Enfers, c’est un passage qui permet aux humains de rejoindre les morts dans l’Au-Delà. Il en existe quelques-unes sur la planète, et notamment à Naples, tout proche d’eux. Matteo se lance donc avec le prêtre, qui lui cherche à mourir, à la recherche de son fils.
Tous deux, ils vont traverser la Porte des Enfers de Naples et feront face à des obstacles, des étapes auxquelles sont soumises les âmes lorsqu’elles se libèrent du corps décédé. Le prêtre les connaît bien, ces étapes, et les explique toutes à Matteo.
Ensemble, ils traverseront chaque passage jusqu’à arriver au milieu des âmes. Certaines sourient car leurs vivants pensent à eux, d’autres sont secoués de malheur car rapidement oubliés par ceux qui auraient dû faire perdurer leurs existences en pensant à eux. Au milieu de ces âmes, se trouve Filippo.
Matteo retrouve son fils, le serre contre lui et fuit avec le prêtre et l’âme de son fils pour retrouver le monde des vivants. Mais les Enfers ne permettent pas de récupérer une âme sans en donner une en échange.
Le sacrifice d’un père pour son fils
Ni une, ni deux, Matteo n’a pas besoin de réfléchir indéfiniment sur sa décision. Depuis le drame, il considère que c’était à lui de perdre la vie, pas son fils. Il le renvoie donc dans le monde des vivants, et reste en Enfers. La séparation est difficile, amère, mais la décision n’est pas regrettée.
C’est ainsi que Filippo reprend vie, dans un monde qu’il avait brutalement quitté. Dans son esprit, un seul objectif : terminer le travail de son père, le venger. Il ne veut pas tuer, non, mais il veut que celui qui a brisé sa famille souffre, saigne, pleure et supplie pour sa vie.
Elevé par les amis qui ont aidé son père à le ramener sur Terre, il vivra sans sa mère. En effet, cette femme, après avoir quitté Matteo, avait tiré un trait sur son ancienne vie et sur son fils. Ainsi, étouffant sa souffrance, elle a fait disparaître ses pensées pour lui qui ne lui pardonnera jamais cet abandon.
Mon avis sur l’œuvre
J’aime beaucoup Laurent Gaudé. La Mort du roi Tsongor m’avait complètement envoûtée. Néanmoins, La Porte des Enfers est un roman plus noir, plus difficile. A travers le mythe des Enfers, nous parcourons les inquiétudes les plus ancrées des êtres vivants : l’Après mort.
C’est compliqué, c’est délicat. Comme dit Gaudé, les morts emportent avec eux une partie de nous. Le deuil est une étape très complexe dans la vie de chacun. Gaudé a souhaité rendre hommage à ceux qu’il a perdu. C’est un bel hommage, mais qui m’a tortillé le cœur.
Nous n’avons pas tous le même rapport à la mort, au deuil. Quand nous croyons aux âmes, nous souhaitons le meilleur pour ceux que nous aimons. Nous les conservons dans notre esprit. De savoir que, dans Les Enfers de Gaudé, les âmes souffraient d’être oubliés, j’ai ressenti le besoin de penser très fort à ceux que j’ai perdu. Un peu plus que je ne le faisais déjà.
Ce livre m’a bouleversée, sans vraiment me plaire complètement. Je pense que le sujet est très délicat et que, pour mon avis personnel, ça a remué beaucoup de sentiments en moi que je n’avais pas vraiment envie de ressentir.
Néanmoins, l’art de narration de Gaudé est toujours le même, ne nous perd jamais et nous emporte dans un monde où le mythe se fond parfaitement dans le décor, se mêlant à l’irréel de certaines situations.
Conclusion
Laurent Gaudé nous livre ici une œuvre toujours basée sur un mythe, celui des Enfers, d’après la mort, du sort de nos âmes, et de la seconde chance. J’aime cet écrivain qui tire toujours des portraits uniques, des personnages attachants et imparfaits. Le sujet m’a remise en question, parfois m’a un peu fait mal, mais cette œuvre est belle. Un important hommage à notre après.