L’Armée des ombres, Joseph Kessel – 1943 – Ed. Pocket, 221 p.
21-10
Joseph Kessel est un important écrivain français qui fut membre de l’Académie française. Auteur d’une bibliothèque de quatre-vingts livres, il a reçu le Grand prix du roman de l’Académie française en 1926 avec son roman Les Captifs. Ses œuvres ont été remises en avant en 2020 à la suite de leur entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Aviateur lors de la Grande Guerre et résistant lors de la Seconde Guerre mondiale, il réalise avec L’Armée des ombres un bouleversant témoignage des actes de la Résistance. Un roman glaçant, terrifiant, qui nous accompagne dans les destins inconditionnellement courageux de ces hommes et femmes françaises qui se sont opposés au terrifiant régime du Troisième Reich.
Résumé
Le colonel Gerbier, prisonnier des Allemands, est transporté dans un camp de concentration. Alors qu’il y découvre la terreur, la misère, l’humiliation dans lesquelles sont plongés les autres prisonniers, il prévoit son évasion. Avec l’aide de Legrain, un jeune homme qui travaille dans le centre d’électricité du camp, ils planifient leur départ. Les actes de résistance recommencent…
Nos gens redoutent moins la souffrance et les supplices que leur propre potentiel de faiblesse. Personne ne sait ce qu’il est capable d’endurer. Et l’on tremble à la pensée d’avoir à vivre – même peu de temps – avec le sentiment d’avoir envoyé des camarades à la mort, ruiné un réseau, détruit un travail auquel on s’était attaché plus qu’à la vie. Pour certains, l’appréhension va jusqu’à l’idée fixe. Ils ne s’endorment pas, ils ne se réveillent pas sans elle. Ils tâtent cent fois par jour leur provision de poison. Et ils se tuent avant d’avoir épuisé leurs chances. Car ces chances de vivre sont en même temps des chances de parler.
La planification de l’évasion du camp de concentration
Le colonel Gerbier se prend rapidement d’amitié pour Legrain. Ce jeune homme, amaigri par les violences du camp, travaille dans l’usine d’électricité du camp et devient un parfait allié. Pour le motiver, Gerbier commence à lui raconter la Résistance. Ces actes, méconnus des prisonniers qui sont totalement coupés du monde, réchauffent le cœur du jeune homme.
Tous les actes, même les plus petits, sont considérés comme des actes de Résistance : distribution illégale de propagande, saccage de voies de chemins de fer, accueil de résistants à domicile pour l’organisation des actes… la Résistance se trouve partout.
Legrain veut aussi faire partie de ce groupe, la Résistance. Il veut donner de sa personne pour saccager les projets d’Hitler. Mais sa santé est fragile, affaiblie par de trop nombreux jours au sein du camps. Le jour de l’évasion, Legrain refuse de suivre Gerbier car se sait condamner par sa santé. Gerbier doit faire vite et l’y abandonne, mais il n’oubliera jamais celui qui l’a aidé à redevenir un homme libre.
Une multitude d’anecdotes
Le roman se poursuit par une multitude d’anecdotes sur les actes de la Résistance. A peine sorti du camp, le colonel Gerbier reprend du service et retrouve son équipe. La première action qu’il décide de réaliser, c’est l’assassinat de celui qui, il le sait, l’a dénoncé et a entraîné son emprisonnement.
Les identités changent régulièrement, chaque fois que le risque d’être découvert augmente. Le réseau est immense, mais les personnes qui y adhèrent ont tous leurs faiblesses face à la pression. La perte d’un être cher, la torture, les menaces… Les usages des soldats Allemands sont multiples et font céder les plus faibles.
La plus grande peur des résistants est leur propre faiblesse. Alors, la majorité garde à disposition des doses de poison pour se tuer s’ils sont découverts et qu’ils n’ont aucune chance de s’évader. Cette peur les terrorise et est une cause de leurs insomnies. Alors, lorsque Dounat est attrapé par Gerbier et son équipe, il sait qu’il a trahi la Résistance française, et ne résiste pas à sa sentence.
Les notes de Philippe Gerbier
Durant la majorité du roman, nous suivons les notes de Philippe Gerbier qui décrit l’avancement des différentes opérations mises en place. Nous y suivons les péripéties du colonel à la suite de ses allers-retours d’Angleterre, les multiples gardes à vues de ses courageux compagnons qui (souvent) s’évadent, mais également des morts qui les mettent en souffrance mais sur lesquelles ils doivent rapidement se reprendre.
La Résistance est le sacrifice du corps et de l’âme de ces hommes et femmes qui vouent leur énergie parfois entièrement à des actes de rébellion. Le danger ne leur échappera pas, et nombreux seront ceux qui disparaitront et qui laisseront un goût de tristesse amère à leurs compagnons survivants.
Mon avis sur l’œuvre
Ce roman est très intense. Rédigé par Kessel à la demande du Général De Gaulle, il retrace le courage incroyable de ces Résistants qui auront tout donné pour la France. Ce témoignage est exceptionnel et nous semble presque irréel tant la violence et la douleur en sont insupportables. Les engagés de la Résistance française sont nombreux, et ne doivent jamais être oubliés. Ils représentent un incroyable exemple de force, de solidarité, de pouvoir. J’ai été très émue par ce roman. Touchée personnellement, je me suis un peu rapprochée d’un membre de ma famille qui fut Résistant et qui est parti en emportant avec lui ses souvenirs.
La barbarie de la guerre ne cessera de me bouleverser. Je suis attachée à ces sujets, car moins de cent ans sont passés depuis : ces atrocités semblent si lointaines, et sont malheureusement encore bien proches. En tant que citoyens libres, habitants de pays en paix, nous nous devons de protéger nos nations de ces barbaries.
Conclusion
Ce court roman raconte la Résistance à travers le courage d’hommes et de femmes françaises qui ont tout donné pour leur pays. Un roman essentiel, travaillé pendant la guerre par Kessel et qui s’inspire de réels destins tragiques. Un incontournable à côté duquel il ne faut pas passer.