Lorsque le dernier arbre, Michael Christie – 2021 – Ed. Albin Michel, 587 p.
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Une des belles découvertes de cette rentrée littéraire a été sans aucun doute le roman de Michael Christie. Cet écrivain canadien a sorti Lorsque le dernier arbre en août 2021 aux éditions Albin Michel et y aborde un terrifiant sujet d’actualité : l’environnement. En traversant cent trente ans d’histoire, Michael Christie aborde l’urgence climatique, la première Guerre Mondiale, la Grande Dépression des années 1930, et invente la vie de demain où la nature ne devient accessible qu’aux plus riches.
Dans cette fresque familiale qui débute en 2038 et recule jusqu’en 1908, nous suivons les membres de la famille Greenwood sur plusieurs générations. En plus de leurs gènes communs, une chose rapproche ces individus : leurs liens particuliers avec la nature.
Résumé
En 2038, Jacinda travaille comme guide forestière sur l’île de Greenwood. Elle ne le sait pas encore mais elle, cette jeune femme orpheline qui n’a aucune histoire à raconter, est la descendante des propriétaires de cette île qu’elle aime tant et qu’elle chérie. Lorsque son ex fiancé la retrouve pour lui annoncer la nouvelle, Jacinda n’y croit pas. Elle découvre qui sont les siens…
1908 : Les deux orphelins rescapés d’un accident de train
Tout commence avec l’histoire de deux enfants, Everett et Harris, qui survivent à un accident de train. Ils décident de ne jamais se quitter, ils deviennent les Greenwood. Harris est la tête des deux, il décide de tout, fait des études. Everett est celui laissé de côté, qui ne fait pas d’études, mais qui se servira de ses dons manuels pour s’en sortir.
Tous deux sont hébergés par une vieille dame qui remplira le minimum de ce qu’elle leur doit, c’est-à-dire les nourrir. Persuadés qu’elle les déteste, ils grandissent dans la forêt dans laquelle est bâtie la maison de leur logeuse. Lorsqu’elle décède, elle leur lègue le terrain duquel ils feront un commerce de bois.
Alors qu’Everett se sacrifie en prenant la place de son frère devenu aveugle qui devait partir en guerre, leurs relations s’étiolent, leurs liens se détruisent, loin des yeux loin du cœur, ils ne se reverront que plusieurs années après la guerre.
Le bébé abandonné
Everett rentre des tranchées. Il part retrouver son frère qui lui a annoncé l’attendre impatiemment, prêt à mettre de côté sa rancœur. Un diner sera préparé pour l’accueillir. Everett ne reviendra pas. Les images de la guerre qui tournent en boucle dans sa tête, les séquelles rendent son intégration difficile et son retour auprès de son frère impossible.
Plusieurs années ont passé. Everett croise le chemin d’un bébé accroché à un arbre, abandonné. Une petite fille. Il décide de la récupérer et de trouver un moyen de rapidement s’en débarrasser, mais après s’être assuré de lui trouver une place dans laquelle elle sera en sécurité.
Ce qu’il ne sait pas et qu’il va rapidement comprendre, c’est que cette fille est le bébé illégitime d’un homme d’affaires important. Prêt à tout pour la retrouver, elle mais surtout un journal intime que sa mère aurait laissé dans sa couche en l’abandonnant, il envoie son larbin chargé de récupérer l’enfant. Le danger n’est pas inconnu à Everett, un besoin irrépressible de la protéger l’obsède, et il part avec pour seul objectif de protéger cet être fragile qui ne dépend plus que de lui.
Ainsi débute la course poursuite dans laquelle Everett retrouvera une raison de vivre et de se battre. Ainsi débute l’histoire de la famille Greenwood.
Mon avis sur l’œuvre
Tout au long du roman, les arbres présentent une place importante dans les cœurs des protagonistes. Alors que l’un fait fortune dans le commerce du bois, un autre est artisan de bois recyclé, une autre est garde forestière et étudie quotidiennement la biologie des arbres, une autre est militante et agit contre les actions anti-environnementales des entreprises capitalistiques…
Et d’ailleurs le monde de 2038 est terrifiant. La poussière pollue l’air ambiant qui rend malade et envahit les poumons des enfants qui ne survivent pas toujours. Les livres papiers représentent une source très rare de documentation dans un monde où les écrans ont pris le pouvoir. Michael Christie nous décrit un avenir absurde et pourtant, à quelques jours de la signature de l’accord de la COP26, nous avons des frissons d’impuissances.
En-dehors de l’engagement climatique évident de ce roman, nous avons force éloges à faire à cette histoire poétique. Des destins si différents se croisent dans une famille qui sera toujours dysfonctionnelle, où l’amour de la nature sera si intense qu’un des enfants Greenwood se demandera pourquoi sa mère ne l’aime pas autant que les arbres.
Cette fresque familiale est passionnante et très bien écrite. Je suis méfiante des romans qui font beaucoup de retours en arrière car je crains de ne pas réussir à m’attacher aux personnages de l’histoire qui peuvent apparaître trop furtivement. Ici, Michael Christie prend le temps (c’est le cas de le dire, sur près de 600 pages) de nous présenter chacun de ses protagonistes. L’écrivain nous émeut d’un monde qui se détruit, et imagine une vie de demain terrifiante. Il axe son roman sur les enjeux de notre Planète, et nous ne pouvons nous empêcher de nous remettre quelque peu en cause…
Conclusion
Le roman de Michael Christie est passionnant. Cet écrivain est une très belle découverte de la rentrée littéraire 2021. En s’appuyant sur les enjeux environnementaux qui nous frappent depuis quelques décennies, l’écrivain nous plonge dans le passé et dans le futur à travers une fresque familiale dans laquelle aventure, amour et sagesse se mêlent.